Après 30 ans de « troubles », Belfast renaît enfin. Il en aura fallu du temps pour que la capitale nord-irlandaise ne fasse plus peur. Il faut dire que son image était sacrément ternie par la « guerre civile » (qu’il ne faut pas nommer ainsi) entre les protestants (pro-UK) et les catholiques (séparatistes). Mais depuis les Accords du Vendredi Saint en 1998, qui mirent officiellement fin aux années troubles, Belfast fait peau neuve et attire de nouveaux touristes.
La nouvelle visite numéro 1 à Belfast est le musée Titanic Experience. Depuis la découverte de l’épave en 1985 et le fameux film de 1997, le souvenir du Titanic est rentable pour tout ce qui s’en approche de près ou de loin (en ce moment encore, une grande exposition d’objets provenant du paquebot parcourt le monde). Sauf Belfast. Pourtant, c’est ici qu’a été construit le Titanic…mais il aura fallu un siècle à la ville pour sortir de son mutisme sur le sujet. Depuis le naufrage, le Titanic était en effet devenu tabou dans la ville, une sorte de honte collective qu’il valait mieux enterrer. Les ouvriers de Belfast avaient été montré du doigt suite à la tragédie. Les chantiers navals étaient à l’abandon, la ville en déclin. Et puis, les habitants de Belfast ont fini par relever la tête et assumer leur passé. Pour marquer le centenaire du voyage inaugural du Titanic, la ville s’est dotée en 2012 d’un magnifique musée à l’endroit même sur les docks où le paquebot fut construit (avec son jumeau l’Olympic). Avec lui, tout le front de mer fut réhabilité donnant une nouvelle vie à Belfast. Les touristes sont arrivés, comme ils sont allés à Bilbao, ville espagnole sauvée par le musée Guggenheim. Le musée ne se focalise pas sur la fin tragique du paquebot, même si on ne pouvait pas éviter de finir la visite sur le sujet avec un bel hommage aux disparus. En revanche, il n’y a par exemple pas de reliques extirpées du fond de l’épave. Si vous êtes dans le culte du naufrage, le musée vous décevra. La plupart du musée explique plutôt comment le Titanic et l’Olympic furent construits et dans quelles conditions. Il ne faut pas oublier qu’ils étaient à l’époque les plus grands bateaux du monde, une prouesse industrielle et donc une fierté pour les constructeurs Harland and Wolff.
Encore de nos jours, les symboles de la ville sont les deux grues de construction navale d’Harland and Wolff baptisées Samson et Goliath qui dominent la ville. Derrière le musée du Titanic, on peut apercevoir des hangars abritant un autre renouveau de Belfast: des studios de cinéma. C’est une réussite récente de la ville car ils accueillent notamment le tournage de la série à succès Game of Thrones. Beaucoup de scènes extérieures de la série sont également tournées dans les magnifiques paysages d’Irlande du Nord…ce qui en fait un nouvel attrait pour les touristes.
Un autre des monuments principaux de la ville est l’Albert Clock situé sur Queen’s square. Érigé en 1869, il a été commandité par la reine Victoria pour rendre hommage à son défunt mari le prince consort Albert. Il a la particularité de s’incliner sérieusement, ce qui lui vaut le surnom de « tour penchée de Belfast ».
.Le Belfast City Hall, la mairie de Belfast, a un petit air du Capitole américain. Il date de 1906. Le bâtiment est massif et représente ce début de XXe siècle, âge d’or de la ville. La reine Victoria avait attribué à Belfast le statut de « ville » quelques années plus tôt. N’hésitez pas à visiter la mairie, ne serait-ce que pour son escalier central en marbre.
.St George’s Market (situé sur East Bridge Street) est l’un des endroits de Belfast les plus agréables pour flâner. Construit à la fin du XIXe siècle, le lieu fut pourtant un marché depuis 1604. C’est désormais un marché couvert victorien plein de charme où il fait bon arpenter les allées à la recherche de mets et produits locaux, d’artisanat ou même d’antiquités.
Si vous vous baladez au bord de la rivière Lagan, vous ne pourrez pas rater le Big Fish! Il s’agit d’un saumon de 10m de long imaginé par l’artiste John Kindness en 1999 pour marquer le renouveau du quartier (Donegall Quay). Chaque écaille est un morceau de céramique bleue sur lequel est inscrit des poèmes, des extraits de journaux etc…qui racontent l’histoire de la ville.
Ce bâtiment a l’air d’un château mais c’est en fait Queen’s University. Cette université a été fondée en 1845, surtout pour accueillir des étudiants catholiques et contre-balancer le pouvoir de l’université de Trinity College à Dublin (anglicans). Elle est située près des jardins botaniques.
Belfast Castle, le château de Belfast, est situé sur la colline de Cave Hill et domine la ville du haut de ses 120m d’altitude. Son aspect assez austère rappelle les châteaux écossais dont il s’inspire. Il date de 1872. Et la vue vaut le déplacement!
.Le Palais de Stormont est un château des années 1930 qui abrite depuis 1998 l’Assemblée nord-irlandaise. En effet, depuis les Accords du Vendredi Saint, l’Irlande du Nord bénéficie d’un gouvernement local en charge des services publics, de l’éducation, de la santé, de la culture…même si Westminster continue de gérer le commerce, la diplomatie et la défense. Les nationalistes et les unionistes se partagent la Chambre des Communes.
Par une matinée d’embouteillages garantis pour cause de marathon de Belfast, nous sommes sortis de la ville pour aller l’admirer de plus haut. La Divis Mountain vient d’être aménagée par le National Trust avec des chemins de randonnées de plusieurs niveaux. Elle ne fait peut-être que 480 m de haut mais de son sommet, on a une vue assez impressionnante sur Belfast (le temps est un peu bas sur la photo mais on peut voir les fameuses grues) d’un côté, et jusqu’au Lough Neagh de l’autre côté à plus de 50km.
Belfast a pourtant un autre visage. Oui, les « troubles » sont officiellement de l’histoire ancienne mais je n’avais jamais visité une ville si marquée et divisée encore aujourd’hui. On a du mal à imaginer que de nos jours, en Europe, les habitants d’une même ville s’opposent. A ma première visite de Belfast (en 2007), je ne m’étais pas aventurée au-delà du tour du centre-ville et pensais que les fameux murals (les murs peints à la gloire d’un camp ou l’autre) n’étaient que folkloriques pour les touristes, comme on va se prendre en photo devant le dernier pan du mur de Berlin. J’avais tort. Ces murs sont bien vivants, et les tensions avec eux. Mes visites suivantes à Belfast en 2013, 2014 et 2015 m’ouvrirent les yeux sur une certaine réalité. Dès que l’on sort de l’épicentre de la ville, on sait si on se trouve dans des rues protestantes ou catholiques, c’est flagrant. Non seulement, on peut voir les fameux murals un peu partout dans les quartiers, mais l’appartenance s’affiche avec les drapeaux aux fenêtres des maisons. C’est d’autant plus vrai à l’approche du 12 juillet, date du défilé annuel orangiste (protestant) qui ravive les animosités. Là non plus, ce n’est pas du folklore. Des heurts éclatent tous les ans à cette occasion car les Orangistes traversent des quartiers catholiques. D’ailleurs, en 2013 les Orangistes ont été interdits de passage dans certaines rues pour éviter des émeutes violentes comme celles de l’année précédente. Pire encore, qui imagine qu’au cœur de l’Europe, il existe encore des murs pour séparer les communautés? Il y en a une centaine à Belfast depuis 1972 et on les appelle les Murs de la Paix (Peace Lines). Hauts de plus de 5 m, ils sont censés empêcher les violences, mais n’empêchent pas les jets de projectiles de part et d’autres. Les murs qui traversent les rues peuvent s’ouvrir la journée, et se fermer le soir. Non, les protestants et les catholiques ne vivent pas en paix les uns avec les autres, ils évitent de se mélanger. Si on prend pour preuve le système éducatif, seulement 7% des enfants d’Irlande du Nord sont scolarisés dans des écoles dites « intégrées » (c’est-à-dire « mixtes », ni protestantes, ni catholiques), la nouvelle génération n’apprend donc pas à côtoyer son voisin. On reste bloqué dans le communautarisme.
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