Manille

MANILLE

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Souvent, quand on va dans un nouveau pays, on visite seulement sa capitale. Il serait dommage d’en rester là pour les Philippines. Il y a très peu de touristes à Manille, souvent des gens de passage. Il faut dire que ce n’est pas forcément une ville qui se visite. Comme évoqué précédemment, la ville a été en grande partie détruite pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elle avait pourtant la réputation d’être « la perle de l’Orient » avant sa destruction avec de belles maisons cossues. Il reste peu de vestiges de l’époque coloniale espagnole (en dehors d’Intramuros). Comme beaucoup de villes asiatiques, Manille a un centre plutôt riche (quartier de Makati) avec des grands immeubles dignes des villes américaines.

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porte d’entrée de fort Santiago

Le quartier d’Intramuros (la ville dans la ville) est le seul quartier historique de la ville, et le plus intéressant à visiter pour les touristes. Il comprend surtout le fort Santiago, la cathédrale de Manille et de vieilles maisons (et accessoirement le bureau de l’immigration, bâtiment très hostile mais indispensable pour mes renouvellements de visas). Intramuros est le berceau de la ville. Avant la colonisation espagnole, c’était un village musulman du nom de Maynilad (qui donnera son nom à Manille).

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le bureau des douanes laissé à l’abandon après 1945 au cœur d’Intramuros

Puis les Espagnols, dirigés par Miguel Lopez de Legazpi débarquèrent en 1571 et firent de Manille la capitale de cette nouvelle colonie. Ils firent construire une forteresse imprenable et redoutée qui résista à tous les envahisseurs et à toutes les attaques jusqu’au tremblement de terre de 1880 et à la Seconde Guerre Mondiale. La bataille de Manille en 1945 entre Américains et Japonais ravagea la ville mais aussi une grande partie d’Intramuros. DSCN6633Les remparts sont encore presqu’intacts et on peut se balader dessus.  Il faudra attendre les années 1980 et l’administration Marcos pour commencer à restaurer la ville fortifiée. Les douves ont été transformées en partie en golf et les ruines ont été envahies par la végétation abondante…ce qui ne manque pas d’ailleurs de leur donner un certain charme. Dans le fort on trouve aussi le Rizal Shrine, sorte de musée dédié au héros national José Rizal qui fut le plus fameux prisonnier de ces murs, et exécuté dans l’enceinte du fort en 1896. Poète et médecin, il s’est battu pour que le peuple philippin se libère des colonisateurs espagnols, mais il fut donc fusillé à l’âge de 35 ans devenant ainsi le héros de la nation. Après sa mort, le mouvement d’indépendance prendra encore plus d’importance entraînant l’intervention américaine et le départ des Espagnols deux ans seulement après l’exécution de Rizal. Désormais, des rues, des pars, des écoles et même une province des Philippines portent son nom.

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dans le fort près du musée Rizal

Toujours dans Intramuros, on trouve la cathédrale de Manille (Katedral Basílika ng Maynilà en Filipino) sur la Plaza de Roma. C’est une cathédrale catholique dédiée à la Vierge Marie, la sainte patronne du pays. Elle a été construite au XVIe siècle mais fut détruite quelques années plus tard par un incendie. La 2e cathédrale, ainsi que la 3e et la 4e, furent détruites par des tremblements de terre puis par les bombardements de 1945. Celle que l’on visite aujourd’hui est la 8e et ne date que de 1958.

cathédrale de Manille

cathédrale de Manille

Toujours sur la Plaza de Roma, on peut voir un bâtiment assez imposant appelé le Palacio del Gobernador. Il s’agit de l’ancienne résidence des gouverneurs, ainsi que de leurs bureaux et également la Cour Suprême jusqu’en 1863, date à laquelle il fut endommagé par un tremblement de terre et abandonné par le gouverneur de l’époque. Il a été rénové en 1976 et abrite désormais la Commission des Elections.

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Palacio del Gobernador

Comme indiqué précédemment, Intramuros est le seul quartier encore marqué par l’histoire de la colonisation espagnole. En flânant dans les ruelles pavées, on se croirait presque en Amérique du Sud avec ses grandes bâtisses coloniales colorées. Intramuros offre donc au visiteur une sorte de havre de paix au milieu de chaos de la ville moderne où il est encore agréable de se promener.

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Asie ou Amérique du sud?

Manille est sans aucun doute la ville la plus chaotique que j’ai visitée. La plus polluée aussi, souvent irrespirable. D’ailleurs, les habitants se promènent en majorité avec une serviette sur le nez pour pouvoir respirer au milieu du trafic (habitude que j’ai vite adoptée). Quand on regarde une carte, on voit une grande métropole assez organisée, avec même des lignes de métro. Mais dans la réalité, Manille peut s’avérer être un véritable cauchemar pour circuler. 38585_1571462605804_1212661020_1616284_1524513_nLe moyen le plus simple reste le taxi (à prix variables selon les humeurs des chauffeurs, je ne compte pas le nombre de fois où je me suis énervée et suis sortie d’un taxi constatant qu’il essayait de m’arnaquer). Ne pas oublier de demander au chauffeur de brancher son compteur par exemple car ils ont tendance à « oublier » et à surcharger la note. Le moyen de locomotion local et emprunté par tous, c’est le jeepney (ci-dessous). Ce sont à l’origine des vieilles jeeps abandonnées par les Américains, allongées, très lourdement décorées parfois (souvent à la gloire de Jésus ou de la Sainte Vierge), et reconverties en bus populaire. Les destinations sont inscrites sur le flan mais les arrêts ne sont pas toujours définis, on y monte et on en descend un peu à sa guise. A l’intérieur, on prend place comme on peut (le toit est trop bas pour pouvoir se tenir debout) sur deux bancs qui se font face. Et puis on fait passer l’argent pour la course devant. Chose étonnante, et que j’ai mis du temps à comprendre: souvent, le chauffeur n’est pas assis en face de son volant mais décalé, ce qui peut faire peur, mais c’est en fait pour laisser de la place à Jésus qui est censé éviter les accidents. En tout cas, je suis assez fan de ce moyen de transport populaire, qui le soir peut même se transformer en karaoké.

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un jeepney sur l’avenue EDSA

Pour les petits trajets, on peut aussi utiliser les tricycles. Ce sont de vieilles motos auxquelles sont attachés de drôles de side-cars généralement rouillés (il existe aussi la version avec vélo dans les bidons-villes). On comprend assez aisément que l’on fasse la prière avant de monter dedans. Je me souviens notamment d’un soir où la mousson s’abattait sur Manille et où l’eau est montée en quelques secondes jusqu’à mes genoux…le triporteur a continué d’avancer malgré tout. Chose à savoir, le chauffeur ne part que s’il a 3 clients (1 derrière lui sur la moto, 2 dans la voiturette) donc on peut attendre parfois longtemps avant de partir.

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les chauffeurs de tricycles attendent leurs clients

Bien sûr, vous pouvez aussi circuler en métro aérien (le MRT, moderne et climatisé) mais il y a peu de lignes. Le métro a aussi la particularité d’avoir des voitures réservées pour les femmes pour éviter le harcèlement, mais je dois dire que je les ai peu utilisées. Aux heures de pointe, les hommes dans les voitures mixtes laissent facilement les places assises aux femmes…bon plan pour mes trajets quotidiens.

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le MRT

DSCN6477 - CopieIl y a beaucoup de marchés à Manille. Le plus grand est sans doute celui de Quiapo qui s’étend littéralement sur tout le quartier du même nom, dans la rue et dans les bâtiments. On y trouve de tout, absolument de tout…des tongs à perte de vue, des babioles tout droit venues de Hong Kong, des DVD pirates, des sous-vêtements, des pièces de voiture, tout autant que des fruits et légumes. Il est parfois difficile de s’y frayer un chemin. Le marché que je préfère, c’est celui de Legazpi dans le quartier de Makati. Il est beaucoup plus petit, il a lieu le dimanche à côté du Legazpi Active Park. On y trouve de l’artisanat philippin, mais aussi des fruits et légumes locaux comme les chico pineras, des durians, des ramboutans, et les délicieux mangoustans!

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DSCN6931A côté des marchés traditionnels, les Philippins raffolent des grands centres commerciaux. La culture américaine est très implantée à Manille. J’habitais à quelques rues du plus grand centre commercial du pays: le Mall of Asia. C’est le 3ème plus grand centre commercial du monde! Un truc de dingues à faire tourner la tête des plus grandes fans de shopping avec ses 400 000m². En soi, il n’a rien d’exceptionnel, ce sont les mêmes boutiques qu’en Europe et aux USA (avec même quelques magasins français). Il y a quand même un complexe cinéma IMAX, un bowling et une patinoire olympique à l’intérieur! Ce paradis de la consommation m’a quand même sauvé la vie dans les moments de déprime loin de chez moi, quand j’en avais marre du chaosDSCN6578 de la ville, de la pollution, de la pauvreté, j’allais me réfugier auprès d’enseignes familières, avec de la musique occidentale, et une bonne glace Haagen Dazs. Dans le riche quartier de Makati se trouve un autre centre commercial: Greenbelt. Rien à voir avec le Mall of Asia, celui-ci est ouvert sur l’extérieur avec son parc intérieur et ses grands arbres. Il est plus tranquille, mais avec des boutiques haut de gamme.

DSCN6533Les Philippins ont aussi une passion bien locale: les combats de coqs. Les Philippines sont un des rares pays à autoriser cette pratique. Outre les combats officieux dans les rues, il y a surtout des cockpits, arènes faites exprès pour ça. Un peu par hasard, j’ai passé un après-midi dans l’arène de mon quartier de Pasay City. Le spectacle est violent et sanglant. Les coqs sont élevés pour ça. On leur accroche un ergot métallique à la patte, comme un couteau bien aiguisé pour tuer son adversaire. Car le combat va jusqu’à la mort. Le combat ressemble vraiment à un combat de boxe humain, les coqs se jaugent, bombent le torse, attaquent et ne lâchent plus leur proie. Et pendant ce temps, c’est aussi un spectacle dans les gradins avec le public qui mise sur le vainqueur dans une chorégraphie bien codée. Les coqs qui survivent sont emmenés à la « clinique » dans les coulisses où ils sont recousus à vif. Les photos étaient interdites à l’intérieur mais étant étrangère, on m’a fait visiter les coulisses aussi habituellement interdites au public. Je vous passe les détails, c’est tout à fait barbare.

Non loin du cockpit de Pasay se trouve le cimetière sud de Manille. Plus petit que le cimetière nord (que je traversais en métro tous les jours), il est tout de même une expérience de la réalité brutale des Philippines. Le qualifier de lieu touristique me met mal à l’aise, même si je sais qu’il est présent dans certains guides. Tout d’abord, il est particulier car des centaines de cercueils sont entassés dans le mur du fond du cimetière.

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les cercueils dans le mur

Mais s’il est singulier, c’est qu’il est surtout un lieu de vie tout autant qu’un lieu de recueillement. Ici vivent les plus pauvres des plus pauvres, ceux qui n’ont même pas leur place dans les bidons-villes. Ici, on dort, on mange, on lave son linge, on joue. Les allées du cimetière sont comme des petites rues. A la nuit tombée, on sort les matelas qu’on pose sur les tombes et on dort allongé sur les morts. C’est un drôle d’endroit, une drôle d’atmosphère, on n’a pas l’habitude chez nous d’entendre les rires des enfants dans un lieu pareil.

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lessive étendue dans le cimetière

Pour rester dans le côté « dure réalité », si vous ne vous cantonnez pas aux quartiers d’Intramuros et Makati, vous serez sûrement confrontés à la pauvreté…et on a beau se dire qu’avec tout ce qu’on voit à la TV, on est blindé, c’est faux. Quand la dure réalité est devant nos yeux, c’est parfois difficile. Je travaillais dans un quartier plutôt pauvre, et me rendais dans les bidons-villes dans le cadre professionnel, et je n’ai jamais osé y prendre des photos. Je trouvais cela trop intrusif alors que les gens m’accueillaient humblement. Mais cette pauvreté extrême est insupportable et même si on la voit tous les jours, elle le reste, on ne s’y habitue pas (en tout cas, pas pour ma part). Les images des enfants des rues nus, noirs de saleté, en train de gratter dans les caniveaux ne me quitteront jamais.

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à l’arrière d’un bel hôtel, des maisons de taule au bord de la rivère Pasig polluée

DSCN6535La vie des Philippins s’organise autour du barangay (ci-contre, l’entrée décorée d’un barangay de Manille). Il est difficile de définir le barangay, on pourrait le comparer à un quartier, mais plus petit. Parfois il s’agit d’un village. A Manille, il y a plus de 1700 barangays. La communauté à l’intérieur du barangay est très soudée…surtout lorsqu’il y a un baptême ou un décès, tout le monde s’y met. Le chef du barangay est également très influent.

DSCN5885Alors, oui Manille est une ville engorgée et polluée où il ne fait pas bon être piéton, où le code de la route est plus ou moins inexistant, où on ne conduit pas avec les rétroviseurs mais avec les klaxons…bref, un vrai chaos urbain. Mais durant mes mois là-bas, j’ai eu une journée zen et calme. Ce jour-là avait été décrété férié par le tout nouveau président Benigno Aquino qui prononçait son discours d’investiture à ce moment-là. Le boulevard Roxas au bord de la baie était méconnaissable, une vraie ville fantôme.

 DSCN6475Il faut avouer qu’avoir un métro aérien, c’est agréable. Je ne me lassais pas de regarder cette ville tentaculaire défiler sous mes yeux tous les jours (il faut dire que je me remontais toute la ligne jaune pour aller travailler dans le nord). Et un de mes moments préférés du trajet, c’était de traverser la rivière Pasig avec la vue sur le pont Quezon. Il date des années 1930 et s’inspire (fortement) du pont du port de Sydney.

DSCN5944Voici une des petites rues paisibles du quartier de Kalookan dans le nord de la ville dans lequel se trouvait mon bureau. Prête à parier qu’aucun touriste n’a jamais mis les pieds ici.

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Et ici c’est l’église de Santa Cruz, dans le quartier de Santa Cruz. Elle date du XVIIème siècle. Elle est de style baroque espagnol.

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38397_1571463645830_1212661020_1616298_4203188_nLa cuisine des Philippines n’a rien d’exceptionnel mais j’ai goûté des plats succulents. La base, si vous en doutez, c’est le riz. Mais alors, juste du riz, zéro parfum et zéro assaisonnement. Il est présent à tous les repas. J’ai beau aimer le riz, j’ai complètement saturé. Je n’ai pas non plus pris le rythme des repas philippins. Les Pinoys (petit nom pour « philippin ») mangent tout le temps! Il y a le petit déjeuner, puis le snack en milieu de matinée, puis le déjeuner, puis la merienda (le gros snack du milieu d’après-midi), puis le dîner, et éventuellement encore un snack en fin de soirée. Je le répète, avec du riz à tous les repas. DSCN6924Petite particularité des Philippines, même si on est en Asie, ici on ne mange pas avec des baguettes, mais avec des couverts…enfin presque. On mange avec une fourchette et une cuillère à soupe. Je ne vous raconte pas les longues heures que j’ai passées à essayer de couper ma viande avec une cuillère! Et puis ici les nouilles chinoises se vendent sur des kilomètres dans les supermarchés (photo ci-contre).
Les Philippins ont été influencés par les Américains jusque dans leur culture culinaire. Pour preuve: Jollibee, le McDonald’s pinoy. DSCN5875Sauf que chez l’abeille joyeuse, vous pouvez trouver une tranche d’ananas au milieu de votre burger. Et même sans l’ananas, les burgers ont un vrai goût sucré (et même chez McDo), très bizarre. On y trouve aussi des spaghettis et…du riz évidemment. Les Philippins adorent. Ils adorent aussi manger dans la rue, il y a des stands un peu partout. Tous les soirs, sur le boulevard à côté de chez moi par exemple, il y avait un stand qui vendait des baluts, une grande spécialité locale que j’avoue n’avoir jamais osé tester. Il s’agit d’un œuf bouilli mais à un stade avancé de l’embryon…en gros, quand vous en mangez, y’a le poussin qui craque sous la dent.

La pollution de Manille a un avantage, un seul, c’est qu’elle offre des couchers de soleil sublimes. Manille est d’ailleurs réputée pour ça. Les couleurs sont toujours intenses. C’était souvent mon petit moment de bonheur à la fin d’une journée difficile…enfin, quand on ne subissait pas la mousson.

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6 réflexions sur “Manille

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