Il y a des endroits un peu magiques et pleins de poésie qu’on aimerait garder juste pour soi. J’imagine que ce fut longtemps le cas de ceux qui gardaient le secret du château de la Mothe Chandeniers. Et puis un jour de 2017, une association (Adopte un château) décide de sauver ce beau château endormi par le biais inédit du crowdfunding (via la plateforme Dartagnans). Grâce à la magie sans frontière d’Internet, la Mothe Chandeniers devient vite un succès mondial. En quelques semaines, plus de  25 000 contributeurs venus de 115 pays mettent la main à la poche pour racheter le domaine. Une histoire d’amour internationale est née devenant la plus grande copropriété du monde. Il faut dire que ce château a l’air tout droit sorti d’un conte.

Cet été, la propriété a ouvert ses portes. Situé aux confins de mon département (Vienne), je ne pouvais pas manquer cette occasion de découvrir ce lieu si singulier dont le monde entier est tombé amoureux. C’est Eliane Lamacque, la voisine, qui fait les visites guidées (9,50€). Elle fut la première à tomber amoureuse des lieux il y a 25 ans. Pendant deux heures (Eliane est intarissable sur sa « belle voisine »), on fait le tour du parc du château en petit groupe. On ne peut pas entrer dans le château pour le moment, trop dangereux. Et puis, il faut aussi que les copropriétaires décident comment sauver le château. Beaucoup de questions sont donc en suspens dont celle d’ouvrir ou non l’intérieur aux visiteurs.

Malgré cette interdiction, on ne voit pas passer les deux heures. La visite n’est pas basée sur l’histoire du château à proprement dit. On apprend quelques périodes-clés, comme sa fondation au XIIIe siècle puis son abandon progressif, son rachat au XIXe siècle par un riche banquier qui veut en faire une folie architecturale. Par conséquent, il va s’inspirer du courant romantique, du courant néogothique, des châteaux de Blois et Azay-le-Rideau. Bref, un château de contes de fées posé au milieu de l’eau et perdu dans la campagne poitevine.

En 1932, un incendie ravage le château. Il tombe dans l’oubli. Fin de l’histoire. Ou presque. Si l’intérieur est détruit, la façade ne montre aucun signe d’incendie. Peu à peu, la nature reprend ses droits envahissant chaque fenêtre avec soin, passant dans le moindre recoin, contournant le moindre obstacle de pierre. Un autre château est né. La végétation, plutôt que de condamner l’édifice, vient le sublimer. S’il était romantique avant 1932, il est désormais le roi du romantisme.

Le reflet du château dans l’eau est sûrement ce qui m’a le plus séduite. J’avais presque l’impression de le déranger dans son sommeil, comme si une biche ou un renard allait sortir des lieux en me regardant d’un air ahuri. J’ai passé de longues minutes un peu à l’écart du groupe, à prendre des photos, mais surtout à regarder chaque fenêtre, à observer comment les branches n’avaient pas détruit les linteaux ou les croisées pour se faire un chemin mais au contraire avaient épousé les courbes. Ou encore le fabuleux balcon à la Roméo et Juliette recouvert de lierre comme si on l’avait planté là exprès pour décorer. Les arbres enlacent les murs.

Et puis il n’y a pas que la végétation intérieure, la nature tout autour ponctue la visite. Le château joue à cache-cache entre les arbres du parc, il ne se dévoile entièrement que rarement. Il joue même avec notre perception quand on s’éloigne un peu et qu’il paraît soudain posé au milieu d’un champ et non plus au milieu de l’eau.

Le projet ne vise pas à rénover le château, on ne va pas rebâtir les murs effondrés. Il faut le sauver pour qu’il ne continue pas à se dégrader lentement et qu’il reste dans son jus. La propriété est fermée aux visites pour les prochains mois laissant la place aux premiers travaux. Il sera intéressant de voir l’évolution dans les années à venir.

Pour en savoir plus ou participer, je vous invite à visiter le site du château de la Mothe Chandeniers