
Il y a quelques jours, la ville de Poitiers clôturait trois mois intenses de Traversées, une expérience artistique et culturelle confiée à l’artiste sud-coréenne Kimsooja. Avec 160 000 visites cumulées sur les différents sites, on n’avait jamais vu pareil événement à Poitiers.
En avril 2019, le palais de justice de Poitiers a fait ses cartons après 230 années au sein du Palais des ducs d’Aquitaine. C’était l’occasion rêvée de le rendre pour un temps aux habitants et touristes de passage, et de lui donner une autre dimension. Comme il est au centre de la ville, il est également au centre de l’événement Traversées\Kimsooja. J’étais tout d’abord franchement dubitative, je rêve secrètement que le palais reprenne des couleurs médiévales et abrite une exposition sur Aliénor d’Aquitaine, autant dire que mes préoccupations sont loin de l’art contemporain. Et pourtant, j’ai vraiment aimé la dynamique insufflée à la ville et le fait de redécouvrir Poitiers sous un autre angle, j’ai aimé voir les touristes s’attarder ici et constater que ma ville est attrayante, j’ai aimé l’ouverture à l’art contemporain que cet événement a suscité chez les Poitevins. Et avec des œuvres participatives, spectacles, conférences, concerts…l’art a envahi toute la ville et il y en avait pour tous les goûts (j’ai même assisté à une conférence sur Aliénor d’Aquitaine!). Petit aperçu des œuvres principales:
Archive of mind de Kimsooja
Palais des ducs d’Aquitaine
La salle des pas perdus de l’ancien palais de justice était en fait la salle de banquet d’Aliénor d’Aquitaine. Avec cette oeuvre de Kimsooja, on retrouve un peu la fonction première de cette immense salle. En effet elle y a installé une grande table elliptique sur laquelle les visiteurs viennent poser une boule d’argile. Chacun choisit sa couleur d’argile et la grosseur de sa boule, chacun la confectionne à sa manière, boule parfaite ou recouverte d’aspérités, chacun y met un petit peu de soi.
To breathe de Kimsooja
Tour Maubergeon, Palais des ducs d’Aquitaine
Cette oeuvre m’a vraiment ravie. Tout d’abord, elle a permis aux visiteurs de découvrir la tour Maubergeon qui est normalement fermée à la visite. Kimsooja a eu la très bonne idée d’apposer des miroirs au sol. Pour y entrer il faut donc porter des sur-chaussures comme à l’hôpital. A ma grande surprise, il n’est pas si aisé de marcher sur des miroirs, beaucoup de visiteurs sont déstabilisés au début et ont même des vertiges. C’est une sensation étrange presque enfantine de tester la marche au plafond. Les effets des miroirs mettent vraiment en valeur le plafond voûté et les vitraux. Si l’oeuvre s’appelle To breathe, c’est qu’en fond sonore on peut entendre la respiration de Kimsooja.





Les traversées de Mo de L’Homme Debout
Centre-ville
Comment ne pas éprouver de la compassion pour Mo, enfant séparé de sa famille qui déambule dans les rues de Poitiers? On se surprend à vouloir lui parler, à vouloir l’aider. Sur le marché, une dame lui a offert une tomate. Les enfants l’interpellent, se méfient d’abord comme avec le grand méchant loup « comme tu as de grands yeux! Comme tu as de grands pieds! », et puis lui courent après comme pour jouer avec lui. Mo et sa copine Lili sont des géants en osier nés entre les mains des poitevins volontaires lors des ateliers participatifs. Mon seul regret lors de ces 3 mois d’exposition a été de ne pas pouvoir assister aux trois spectacles de la compagnie L’Homme debout.





The Mending project de Lee Mingwei
Musée Sainte-Croix
C’est peut-être le projet qui m’a le plus touchée même si j’ai attendu le dernier jour pour aller le voir. Lee Mingwei est un artiste taïwanais qui fait souvent des œuvres participatives. Le 11 septembre 2001, il vivait à New York et son mari travaillait au World Trade Center. En attendant de savoir si son mari avait survécu ou non, il passa la journée à coudre et à réparer ses vêtements. Son mari a fini par rentrer à la maison. A Poitiers, les visiteurs sont invités à amener un vêtement troué et à regarder Lee Mingwei le réparer. Le but est de lui faire confiance et de partager des histoires pendant qu’il coud. La couture est visible et imparfaite. Les fils sont d’abord invisibles puis quand on s’approche, on remarque l’arc-en-ciel qui relie les bobines au mur et les vêtements ainsi réparés. A la fin de l’exposition, Lee Minwei a coupé les fils et les vêtements ont été rendus à leurs propriétaires. Réparer la confiance entre des étrangers en réparant des bouts de tissus.




Untitled 2018 de Rirkrit Tiravanija
Musée Sainte-Croix
Dans la cour du musée Sainte-Croix, c’est l’artiste thaïlandais Rirkrit Tiravanija qui a monté un enchevêtrement de bambous. Semblable aux échafaudages en Asie, il s’agit en fait d’un labyrinthe avec en son milieu une petite maison de thé japonaise.



SOS d’Achilleas Souras
Devant le baptistère Saint-Jean
Save Our Souls, SOS, de l’artiste américain Achilleas Souras, est un igloo constitué de gilets de sauvetage ramassés sur l’île de Lesbos. Sauver les migrants de la Méditerranée et leur proposer un refuge. Cette oeuvre est devenue une sorte de symbole de l’exposition car elle a été incendiée fin décembre (l’enquête est en cours). L’igloo n’a pas été réparé.



Cooking the World de Subodh Gupta
Maison de l’architecture
L’artiste indien Subodh Gupta a installé ici une petite maison faite de vieilles casseroles et de vieux plats cabossés. Avec ces objets du quotidien qui ont été jetés, il crée un nouvel espace convivial et invite régulièrement les visiteurs à partager un repas indien.
Bottari Truck et Planted names de Kimsooja
Chapelle Saint-Louis
Je n’étais jamais rentrée dans cette chapelle auparavant et ce fut une surprise d’y trouver une vieille camionnette remplie de baluchons (bottaris). Sur un mur de la chapelle, on peut regarder une vidéo de l’artiste Kimsooja assise sur ces mêmes bottaris traversant Paris.
Dans la sacristie, Kimsooja offre un tapis noir tissé des noms des esclaves de la plantation Drayton Hill en Caroline du sud.
Bottari de Kimsooja
Cathédrale Saint-Pierre
Ce container plein de couleurs devant la cathédrale fait écho à la camionnette de la chapelle Saint-Louis. Kimsooja y a entreposé toutes ses affaires de son appartement new-yorkais pour montrer qu’elle habitait Poitiers le temps de l’exposition, comme si ce container était son bottari.


Nest et Tunnel de Tadashi Kawamata
Palais des ducs d’Aquitaine
En opposition aux pierres du palais, l’artiste japonais Kawamata a utilisé du bois de récupération pour créer ce nid, un petit espace refuge. A la sortie du palais, c’est un tunnel fait avec les mêmes planches de récupération que le visiteur doit traverser pour retrouver la lumière du jour.


Très belle description …je regrette juste de ne pas avoir pris le temps de m’y aventurer ! Flo
ah oui, ça aurait été chouette d’y aller ensemble. J’ai emmené Margaux voir les géants, elle était impressionnée et après elle ne parlait plus que de ça!
J’ai pu voir les petites boules dans le Palais de Justice à Noël (et le passage médiéval réouvert aussi !). Comme on est des sales gosses, on a fait des petites créatures (un nounours, une licorne et un alien) ahah. J’aurais bien aimé voir le reste de toutes ces installations, alors merci pour le reportage ! 😀 😀 xx
ahaha il fallait que ces petites boules nous représentent alors bravo pour les customisations lol merci pour ton comm 🙂
Qu’elle belle idée de la ville de Poitiers, cela devait être très intéressant à voir.
merci pour ton commentaire…oui c’était vraiment une belle initiative! J’espère qu’il y en aura d’autres dans ce genre bientôt
Une saison où je ne suis jamais dans les parages, dommage ça avait l’air top!
Oh oui c’est dommage c’était vraiment chouette et ça a mis une belle animation dans la ville pendant plusieurs semaines