21 mai 1995
J’avais 14 ans, et le ciel était bien gris lorsque mon bus scolaire entra dans Berlin. Nous venions de rouler pendant plus de 24 heures pour arriver à destination, alors peu importe où j’arrivais, j’avais déjà l’impression d’être au bout du monde. Ce n’était que Berlin pourtant, si facile d’accès de nos jours, mais qui paraissait déjà un autre monde pour l’ado que j’étais qui passait à l’est pour la première fois de sa vie. C’est un voyage en argentique avec un appareil jetable, c’était la mode au milieu des années 1990.
A cette époque, Berlin était une sorte de mythe pour moi, une part de mystère entourait cette ville sous la forme d’un mur. Le mur était pourtant tombé, mais les images bien vivantes dans ma tête. Cette nuit de novembre 1989, je ne comprenais pas tellement ce qui se passait du haut de mes 8 ans au-delà de la joie sur les visages des Allemands heureux de se retrouver après tant d’années séparés. Détruire un mur pour construire un pays uni, c’était un concept encore un peu abstrait. Et puis, au collège, surtout en cours d’allemand, j’ai appris et j’ai compris ce que ce fameux mur représentait, ce qu’il avait fait aux Allemands, ce qu’il avait fait à Berlin. Et en 1995, la cicatrice était encore ouverte et Berlin n’avait pas encore changé. On avait détruit une bonne partie du mur, mais il n’existait encore rien à la place.

Viele kleine Leute die in vielen kleinen Orten viele kleine Dinge tun können das Gesicht der Welt verändern (beaucoup de petites personnes qui dans beaucoup de petits endroits font beaucoup de petites choses, peuvent changer la face du monde)
Nous séjournions dans des familles d’accueil à Marzahn, un quartier de Berlin-est, ancien camp de travail, des barres d’immeubles à perte de vue coincées dans les années 1970, tout ce que le communisme a produit de plus moche et un nid pour les néo-Nazis post-1989. Autant vous dire que le choc culturel fut un peu violent et qu’on avait interdiction de sortir. Je me souviens de la mère de famille qui s’excusait de ne pas avoir un appartement aux standards de l’ouest…moi il ne me paraissait pas si mal. Peut-être qu’elle s’imaginait que les appartements de l’ouest étaient très luxueux ou que les barres d’immeubles n’existaient pas en France.

Vue sur la cathédrale et la place Marx-Engels…la plupart des bâtiments de la photo ont désormais disparu
Au programme du séjour: le musée du Mur (Checkpoint Charlie), le Ku’Damm, la Philarmonie, la Siegesäule, le stade olympique et l’Alexander Platz. Je n’ai aucun souvenir du stade olympique, pourtant je me dis que ça aurait dû me marquer comme endroit vu l’histoire du lieu. Je n’ai non plus aucune photo ni aucun souvenir de la porte de Brandebourg. Mais bizarrement, je crois que le lieu qui m’a le plus marquée du séjour, c’est la Potsdamer Platz. Aujourd’hui c’est l’un des endroits les plus vivants de Berlin avec ses hauts immeubles mais à l’époque, c’était un no-man’s land, un champ stérile au milieu de la ville avec un vague projet de développement. Là je voyais la cicatrice de Berlin, là je pouvais imaginer les Berlinois vivant chacun de leur côté, là dans ce vide lunaire et silencieux au centre d’une ville en pleine effervescence. L’horizon de Berlin n’était que grues et chantiers en route, Berlin allait changer drastiquement. Je n’y suis jamais retournée, il faudrait pourtant que je vois comment la cicatrice s’est refermée.

Des grues à perte de vue dans le ciel berlinois

Quand tes copains de classe ne savent pas très bien qui est Karl Marx mais qu’ils aiment bien lui monter dessus pour lui mettre les doigts dans le nez

Le Deutscher Dom vu du Französischer Dom et toujours des grues partout
J’adore toujours me replonger dans mes vieilles photos. Ton voyage scolaire avait l’air super.
Merci! J’aurais aimé en garder plus de souvenirs (et plus de photos!)
Petit voyage dans le temps! Je trouve ça chouette ^^
Merci 🙂
Génial ce voyage dans le temps. Eh oui en 1995 l’ambiance de la ville devait être totalement différente de celle d’aujourd’hui, ils étaient en pleine reconstruction/renaissance et pansaient leurs plaies à cette époque. Ce doit être super intéressant d’être le témoin d’un tournant de l’Histoire. Tu étais sûrement trop jeune pour t’en rendre compte et t’en rappeler mais tu as de beaux fraglents de souvenirs.
merci pour ton commentaire! Je remercie mon collège qui a eu la bonne idée de nous faire faire ce voyage plutôt que de rester dans une ville de l’ouest! 🙂
Très émouvant. … pour ma part je suis allée à Belrin en voyage scolaire ces dernières vacances et je retrouvais souvent l’atmosphère du passé
Des bisous, emma
ah c’est marrant que tu dises ça…d’autres m’ont dit qu’au contraire, Berlin avait un peu perdu de son histoire avec la modernisation. Contente de voir qu’il en reste quelque chose
Wow c’est marrant parce que même si je n’ai jamais été à Berlin, j’ai l’impression qu’il y a un passé et un présent qui se mêle dans tes photos qui pourtant datent d’il y a « quelques » années. Je ne sais pas si je m’exprime clairement ahah!
Merci pour ton commentaire! Ce serait intéressant de refaire les mêmes photos aux mêmes endroits et de voir la différence