Les légendes de Rocamadour

J’imaginais Rocamadour comme un charmant village à flanc de rocher. Mais je n’avais pas imaginé son pouvoir d’attraction, ni son architecture vertigineuse. Je n’en connaissais pas non plus l’histoire, ni le caractère religieux du lieu, ni les légendes gravées dans ses pierres. C’est pourtant un haut lieu de pèlerinage en France qui accueille 1,5 million de visiteurs chaque année et qui est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Saint Amadour

La première légende de la cité de Rocamadour réside dans son nom. Le village tiendrait son nom de saint Amadour dont le corps fut découvert intact en 1166 par des moines qui creusaient le site pour y construire une église. Certains disent que Saint Amadour n’est autre que Zachée (ou Matthias), un disciple de Jésus devenu ermite en Gaule. C’est lui qui prit la place de Judas parmi les douze apôtres après le suicide de celui-ci. C’est donc un miracle que son corps ait été retrouvé intact onze siècles plus tard. Au XVIe siècle, le corps fut brûlé par des protestants pendant les guerres de Religion. Il ne reste aujourd’hui que des fragments d’os exposés dans la crypte saint Amadour.

La Vierge noire

Si les pèlerins viennent en masse au sanctuaire depuis des siècles, c’est surtout pour elle, la Vierge noire. Sa légende est encore plus forte que celle de saint Amadour. D’après le Livre des miracles (1172), elle accomplit des miracles, des guérisons et sauve même les marins. Elle aurait plus de 120 miracles à son actif. C’est pour elle et autour d’elle que fut construit le sanctuaire.

La statue en bois de la Vierge date du XIIe siècle, elle est exposée dans la chapelle Notre-Dame mais on ne sait pas pourquoi elle est devenue noire. Son origine est également inconnue, on dit que saint Amadour lui-même l’aurait sculptée. Vous serez peut-être surpris de trouver des maquettes de bateaux suspendus dans la chapelle. Il s’agit d’ex-voto donnés par les rescapés de naufrages. En effet, au-dessus de cette Vierge noire se trouve une petite cloche du IXe siècle qui retentit miraculeusement lorsqu’un marin en détresse implore la Vierge de le sauver et qu’elle exauce sa prière. Elle aurait même sauvé l’équipage de Jacques Cartier au Québec décimé par le scorbut en 1536 (la plus grande paroisse de Québec est depuis dédiée à Notre-Dame de Rocamadour). Elle aurait sonné pour la dernière fois au XVIIe siècle.

La citadelle de la foi

La renommée du site est antérieure à l’adoration de la Vierge et à la découverte miraculeuse du corps de saint Amadour. Les grottes de ce canyon de la vallée de la Dordogne étaient déjà un lieu de culte à la préhistoire. Les chrétiens sont arrivés dans la vallée creusée par la rivière Alzou au Ve siècle.

Au Moyen-âge, c’était déjà un lieu de pèlerinage important puisqu’on y constate un premier miracle en 1148. Le roi Henri II Plantagenêt (époux d’Aliénor d’Aquitaine) y est venu dès 1159, quelques années avant la découverte du corps de saint Amadour. Plusieurs rois de France vont faire le déplacement par la suite. Saint-Louis et sa mère Blanche de Castille s’y rendent en 1244, puis Philippe IV en 1304, Charles IV en 1324, Philippe VI en 1335, Jean II en 1344 et enfin Louis XI en 1463. En 1562 pendant les guerres de Religion, les Huguenots prennent Rocamadour et brûlent le corps de saint Amadour. C’est la fin du pèlerinage populaire. Le site est plus ou moins abandonné les siècles suivants car les pèlerinages ne sont plus à la mode. Il faudra attendre la moitié du XIXe siècle pour une réhabilitation de la citadelle par l’abbé Chevalt et l’abbé Caillaux. Ils lancent en effet une souscription pour sauver Rocamadour. Les travaux prennent fin en 1872.

C’est en 1159 que débutent les travaux de la chapelle de Notre-Dame à 150 mètres de hauteur. Rocamadour est une cité mariale (dédiée à la Vierge Marie). C’est encore aujourd’hui une cité médiévale aux ruelles pavées qui montent sans qu’on en voit le bout. Elle est fortifiée en haut et en bas pour protéger les commerçants installés dans la rue principale. Rocamadour est en effet construite sur trois niveaux: en bas on trouve la rue principale et ses commerçants.

Puis il faut emprunter les 200 marches du grand escalier pour accéder à l’étage supérieur et pénétrer le sanctuaire. Depuis des siècles, les pèlerins les plus fervents gravissent ses marches à genoux. Je ne m’attendais pas à cette grande cour majestueuse entourée de chapelles et palais lovés contre la falaise, c’est un véritable sanctuaire religieux. On y trouve la basilique Saint-Sauveur, pas moins de six chapelles (Notre-Dame, Saint-Blaise, Saint-Michel, Saint-Jean-Baptiste, Sainte-Anne et Saint-Louis consacrée au rugby!), et le palais abbatial.

Puis il faut monter encore, emprunter le chemin de croix sinueux pour accéder au dernier niveau de la cité, là où se trouve le château et sa vue vertigineuse sur la vallée.

L’épée de Roland

Une dernière légende hante Rocamadour, celle de Durandal. C’est le nom que Roland, neveu de Charlemagne, avait donné à son épée qu’il avait consacrée à la Vierge. Lors de la fameuse bataille de Roncevaux (776), il essaie de casser son épée pour ne pas qu’elle tombe dans les mains des infidèles, mais sans succès. Il invoque alors l’archange saint Michel qui aurait lui-même lancé l’épée 300 km plus loin jusqu’à ce qu’elle fende la roche à Rocamadour. L’épée rouillée est toujours prisonnière de la falaise et il faut bien lever les yeux pour la trouver près de la chapelle Notre-Dame.

Article publié dans le cadre du rendez-vous mensuel #EnFranceAussi, collectif de blogueurs crée par Sylvie du blog Le coin des voyageurs. Le thème de ce mois de novembre est « légendes » et a été proposé par Audrey du blog Arpenter le chemin

23 réflexions sur “Les légendes de Rocamadour

  1. Magnifique ! J’ai eu le plaisir de visiter Rocamadour une année en septembre (sans l’affluence des jours d’été). La légende de l’épée de Roland est fantastique… toute aussi plausible que celle du Père Noël !!! Merci pour ce beau reportage et à bientôt ! 👋

    • merci Pierre! Ahahaha oui moi aussi je me suis demandée d’où venait cette légende, et pourquoi on avait rattaché la légende de Roland à ce lieu déjà sacré. En tout cas, ça draine beaucoup de touristes tout ça! Quelle chance d’y être allé hors saison. J’y suis allée cet été, en août, il y avait beaucoup de monde, mais ça reste un site vraiment impressionnant.

  2. Merci pour cet article très instructif,
    et tes magnifiques photos. J’ai visité plusieurs fois Rocamadour, mais grâce à toi, j’ai appris l’existence de la cloche au dessus de la vierge! Je ne me lasserai jamais de visiter ce village majestueux et mystérieux.

  3. Cela fait déjà de nombreuses années que j’y suis allée, j’aimerais bien y retourner hors saison, loin des foules. La prochaine fois j’essayerai de gravir les 200 marches pour accéder aux chapelles, qui m’ont l’air vraiment surprenantes à voir !

    • merci pour votre commentaire. Oui hors saison ça doit être idéal! Monter par les escaliers vaut le coup, rien que pour la vue qui change au fur et à mesure, mais on passe aussi dans les bâtiments donc on peut faire des petites pauses. Mais il y a aussi l’ascenseur 😉

  4. Merci pour toutes ces informations supplémentaires et tes recherches. Je peux ainsi me remémorer un très bon moment passé entre amis tout en apprenant davantage sur ce lieu spectaculaire. En ce moment, on a besoin de culture et de voyager différemment et c’est chose faite.

  5. Rocamadour est un endroit que j’aime beaucoup. Pas évident d’éviter la foule sauf tôt le matin. Il faut vraiment grimper tout en haut par les ruelles ou le parc. C’est le type même de lieu où l’on prend plaisir à revenir.

  6. Pingback: Au revoir 2020 | Globe-trottine

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