Voyage au bout de ma rue

Voyage au bout de ma rue

Voilà huit semaines que nous sommes confinés, huit semaines d’une vie différente, huit semaines durant lesquelles j’ai appliqué un confinement strict ne sortant que trois fois pour aller faire des courses en voiture. Pour être honnête, rester chez moi n’est pas très compliqué. J’habite dans une banlieue résidentielle où nous avons tous des jardins et où il ne se passe jamais grand chose, virus ou non. Ma rue est une enfilade de murets et de portails fermés, confinement ou non. Il n’y a pas de vie de quartier, pas de grande réunion à 20h pour applaudir les soignants et nous faire coucou aux fenêtres. Je constate la présence des mes voisins au nombre de tondeuses que j’entends.

Je ne saurais dire si ces dernières semaines sont passées vite ou non. C’est un temps différent. Etant enfant unique, je suis habituée à m’occuper toute seule depuis toute petite, et je ne m’ennuie jamais. En revanche, je suis de nature angoissée, alors en ce moment, ce trait est plutôt exacerbé. Comme beaucoup je dors mal et je cogite trop toute la journée. Bref, rien de bien original. Je lis, je fais des gâteaux, je fais du yoga, des appels vidéos avec la famille et apéros par écrans interposés avec les potes, je regarde des instalive de mes artistes préférés, je regarde des séries, je fais des photos dans mon jardin, je couds des masques, je me sens inutile…bref, rien d’original là non plus.

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Avoir un blog de voyages, c’est comme avoir des œufs mais pas de farine, avoir du tissu mais pas d’élastique, en ce moment ça ne sert pas à grand chose. A quoi bon parler voyages puisqu’on ne sait pas quand nous pourrons repartir? Ca sert à s’évader pour certains, à rêver de jours meilleurs, pourtant je n’arrive pas à me mettre dans cet état d’esprit, je vis trop au jour le jour en ce moment. J’ai essayé de profiter du temps accordé pour écrire sur le blog, mais là encore, la motivation est difficile à trouver et je manque de concentration.

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Huit semaines que la météo nous nargue. Faisait-il aussi beau l’année dernière à la même période? Peut-être. Mais cette année, on le vit comme une provocation. Ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas le soleil qui me fait sortir de toute façon. J’exagère, il a plu la semaine dernière pour mon plus grand plaisir. Rien ne m’est plus apaisant que d’entendre la pluie tomber (pendant que je suis bien installée dans mon fauteuil avec une tasse de thé et un bon livre de préférence). Pourtant après huit semaines entre mes murs et la perspective du déconfinement de la semaine prochaine, je me suis autorisée une sortie pour marcher.

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C’est un nouveau concept qui s’impose à nous ces dernières semaines, le voyage de proximité, à moins d’un kilomètre. Le voyage est parfois au bout de la rue. Le bout de ma rue est à 658 mètres exactement, 658 mètres de maisons qui se cachent derrière des murs. Je sors pour m’aérer la tête, je me demande si je vais voir ce paysage quotidien différemment, si je vais remarquer ces petites choses auxquelles on ne prête jamais attention, faire quelques photos…tout en sachant que je ne croiserai sûrement personne. Premier constat, c’est le bruit qui règne dans la rue. Le soleil est revenu alors la moitié des voisins a sorti la tondeuse. J’entends aussi des ouvriers qui s’affèrent à construire l’extension d’une maison 200 m plus loin.

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A 250 m, ma rue opère un virage, et dans son coude se trouve une toute petite mare. Elle est asséchée une bonne partie de l’année désormais mais en ce début mai il reste encore de l’eau des pluies passées. Et comme elle est livrée à elle-même en ce moment, on distingue à peine ses eaux au milieu de sa jungle. En revanche, le bruit des travaux non loin a dû faire fuir les grenouilles.

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A 300 m, à côté de la route, il y a l’entrée d’un monde enchanté…du moins c’est ainsi que je vois ce petit chemin qui court vers les champs. C’est en fait le départ d’un sentier pédestre. Il faut passer un tunnel arboré pour se retrouver dans un autre monde. De chaque côté de ce chemin, il y a deux petites parcelles boisées, les branches des arbres se rejoignent dans le ciel sans jamais se toucher mais formant un abri ombragé. Au bout, la lumière du soleil dans les champs m’éblouit. Mais cette sortie est gardée par un vieux tronc qu’on pourrait croire menaçant avec ses gros yeux tenant sa lance prêt à en découdre, il est la sentinelle du monde caché.

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C’est le coin de ma rue que je préfère. J’aime y venir l’hiver, quand le paysage est recouvert de givre et de brume, ou encore mieux de neige, le chemin prend alors un air mystique. Les branches dénudées qui se frôlent sont un peu comme des spectres qui gardent l’entrée d’un monde interdit. Mais aujourd’hui, je lève les yeux pour regarder les feuilles des arbres danser, alors que mes pieds foulent des fleurs de pommiers tombées.

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En réalité, le chemin traverse quelques champs pour assez vite rejoindre une autre rue résidentielle. Mais on peut toujours laisser traîner son imagination. Aujourd’hui, les champs n’ont pas été cultivés et sont recouverts de boutons d’or. D’ailleurs, c’est une véritable invasion, il y en a partout dans la rue, sur les talus, dans les jardins. Y’en a t’il autant d’habitude? Je n’y avais jamais prêté attention.

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Pour ne pas me laisser entraîner trop loin et rester dans la zone autorisée, je rebrousse chemin et rejoins le bitume. Je me dis qu’avant l’urbanisation, ce devait être une vaste forêt ici. Les parcelles non construites sont encore des petits bouts boisés. Je peux marcher au milieu de la rue, je ne croise personne. Il n’y a que le facteur qui passe. Je devine quelqu’un qui joue de la flûte par-dessus le bruit des tondeuses. En m’approchant des arbres, c’est un bourdonnement de milliers d’insectes que j’imagine, bruits normalement cachés par le flot de voitures.

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Au bord de la route, je trouve beaucoup de boutons d’or, de pâquerettes, de pissenlits, mais aussi un grand nombre de plantes dont je ne connais pas le nom. Je suis une piètre botaniste (si vous reconnaissez des plantes, n’hésitez pas à indiquer leurs noms dans les commentaires).

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A 600 m, il y a une grande maison bordée d’un long mur sur lequel court une glycine. Malheureusement, j’arrive trop tard, elle est fanée et il ne reste plus que quelques grappes éparses. J’arrive à l’embranchement, 658 mètres, le bout de ma rue. Il ne me reste plus qu’à tourner les talons pour rentrer.

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Je vois rarement le coucher du soleil car il descend derrière les maisons d’en face. En rentrant, j’ai refait le crochet par mon petit chemin magique car je sais que le soleil s’y cache avant de disparaître.

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36 réflexions sur “Voyage au bout de ma rue

    • oui j’ai la chance d’être en vert et dans un coin de France où le virus n’a pas fait beaucoup de victimes. Mais on reste prudent. Merci pour ton commentaire et prenez soin de vous

  1. Ton petit chemin est similaire à celui qui se trouve près de chez moi! Je le surnomme le sentier magique. J’aime aussi le parcourir seule, en toutes saisons. Il est ma bulle de relaxation.
    En ce qui concerne les photos de fleurs, je ne suis pas experte mais j’ai reconnu une orchidée sauvage et la glycine.
    Moi qui ne lis quasiment plus de blog voyages, je trouve ton article frais comme tout ! (je l’ai vu passer dans mon feed twitter) Et tu as su mettre de bien jolis mots sur mon état des 2 derniers mois 🙂

    • merci infiniment pour ce commentaire qui me touche beaucoup. J’espère que tu as pu profiter de ton petit sentier magique toi aussi pendant cette période.
      Ah je me disais bien que ça ressemblait à une orchidée aussi toute seule sur son talus! Merci!

  2. Un joli petit coin finalement qui permet de rêver. C’est le côté positif du confinement : ouvrir les yeux et decouvrir de belles choses autour de soi même si je sens un peu de nostalgie dans ton article. Allez encore 3 jours et le km se transformera en 100km

    • merci beaucoup pour ce commentaire. C’est vrai qu’on ne prête pas tellement attention aux choses qu’on voit au quotidien…j’ai encore plein de choses à découvrir à moins de 100 km 🙂

  3. Génial ! J’ai fait la balade avec toi. Tu as raison, c’est la plus belle balade près de chez toi. Ah! Les tondeuses ! Apparemment une maladie endémique du quartier 😉
    Plantnet appli à télécharger pour identifier les plantes. En direct ou à partir des photos de ta galerie.

  4. J’aime beaucoup ce chemin du monde enchanté, gardé par un arbre sentinelle, où le soleil vient se cacher. La magie des idées et des mots enchante le réel, merci Emy 🙂

  5. Très jolie balade, j’aime beaucoup la partie sur le monde enchanté !
    Il y a également Google Lens qui permet d’identifier des plantes 😉

  6. Comme d’habitude tu m’as emmené avec toi sur ton petit chemin caché. Magnifique texte superbement écrit comme d’habitude. Bises

  7. Je suis pareille que toi je n’arrive pas à me motiver à écrire quoique ce soit pour mon blog. Je me suis aussi promenée autour de chez moi et est découvert de jolis petits chemins. Je pense que j’avais aussi besoin de me déconnecter un peu et j’en ai profité pour lire.

    • dur dur de s’y mettre dans ce contexte. J’ai mieux réussi à me concentrer sur la lecture que sur les écrans finalement. Bon courage à toi

  8. J’ai découvert ton blog tout récemment et il est formidable. Il renferme absolument tout ce que j’aime dans la vie: la nature, les éléments, la poésie, les échanges pluriels, les bonnes informations et j’en passe. A la lecture de cet article ô combien rafraîchissant, je me dis que très souvent on va chercher bien loin ce que l’on a près de chez soi… L’aventure peut commencer même dans ton jardin… il y a tant de merveilles à découvrir… Personnellement, je voyage peu (physiquement) mais intensément par l’imagination , les blogs tels que le tien , les documentaires, Arte, Google Earth, etc… J’ai la chance de vivre en pleine nature ds une grande et belle maison avec un très grand jardin à l’anglaise… je vis au paradis et toi maintenant tu en fais partie! Merci infiniment pour tout ce que tu m’apportes!

    • Marie-France, je te remercie infiniment pour ce commentaire, tu as illuminé ma journée! Merci d’avoir pris le temps de découvrir le blog, de lire les articles…je suis vraiment ravie de te faire voyager par procuration et j’espère continuer à t’emmener dans de beaux endroits. Encore une fois merci pour ce commentaire qui me touche profondément. Bonne lecture 😉

  9. Pingback: Voyages par la fenêtre | Globe-trottine

  10. Pingback: Au revoir 2020 | Globe-trottine

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